Nomination des bourgmestres: Ngobila a usurpé les compétences du Président de la République (Tribune)
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Gentiny Ngobila, gouverneur de Kinshasa a procédé le 20 aout aux nominations et permutations « à titre provisoire » des bourgmestres et bourgmestres adjoints de la ville de Kinshasa. Après la circulation d’un premier arrêté largement critiqué et d’un démenti tout aussi critiqué, le dernier document a été lu sur les antennes de la télévision nationale. Les réactions continuent de tomber. ACTUALITE.CD vous propose la lettre ouverte de SHEMATSI CHRIS, avocat et activiste.
Concerne : Lettre ouverte relative à votre arrêté n°SC/241/CAB/GVK/GNM/2019 du 20 août 2019 portant permutation des Bourgmestres et Bourgmestres Adjoints et désignation à titre provisoire de Bourgmestres et Bourgmestres Adjoints des communes de la ville de Kinshasa
Monsieur le Gouverneur,
Conformément à l’article 27 de la Constitution de la République démocratique du Congo, j’ai l’honneur d’attirer votre attention, que j’espère républicaine, sur un certain nombre d’éléments attachés à l’acte juridique mieux identifié en concerne.
Il n’est point de doute que vous maîtrisez parfaitement les règles et les principes de compétence qui régissent votre fonction. Cependant, je me permets tout de même de rappeler un principe fondateur qui postule que “la compétence est d’attribution en Droit Public”.
Après rectification de l’erreur matérielle, j’ai déposé la version corrigée du courrier adressé au Gouverneur @GentinyMbaka. Attendons la suite…@bola2016 @jmilunga @ligodipatient @MutalaIsrael @jm_senga @christiangeraud @luchaRDC pic.twitter.com/pb2nvGv3hF— Chris Shematsi (@ShematsiChris) August 21, 2019 Ainsi, le principe que-dessus m’impose à questionner la légalité de l’arrêté sus évoqué.
Avant de confronter votre œuvre juridique à ce principe, qu’il me soit permis de préciser que vous avez usé d’une dérobade sémantique à l’effet d’éviter le mot “nomination”. En réalité, votre acte est un mélange peu digeste combinant permutation et nomination. Cette réalité trouve un répondant factuel sans appel tant est que certaines communes devront être dirigées par des compatriotes nouvellement Bourgmestres : par vous nommés donc !
Monsieur le Gouverneur, vous conviendrez avec moi que les Bourgmestres et leurs Adjoints sont depuis 2006 soumis à un régime électoral strictement encadré par la loi. Cette assertion se vérifie par le libellé de l’article 199 de la loi électorale qui se présente comme suit : “Le Bourgmestre et le Bourgmestre adjoint sont élus sur une même liste au scrutin majoritaire à deux tours par les conseillers communaux, au sein ou en dehors du conseil, pour un mandat de cinq ans renouvelable”.
L’article 56 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces aborde la question en des termes quasi-identiques à la disposition ci-dessus.
A ce jour, il s’agit donc là du cadre juridique principiel.
Etant donné que le contexte factuel offre un tableau marqué par une inorganisation organisée des élections locales, municipales et urbaines, l’article 126 de la loi organique cité ci-haut a renvoyé, à titre transitoire, la prise en charge du statut de certaines autorités administratives au cadre juridique du Décret-Loi n°082 du 02 juillet 1998 portant statut des autorités chargées de l’administration des circonscriptions territoriales.
Or, en ses articles 1 et 3, ce texte dispose formellement que le Bourgmestre est nommé par le Président de la République sur proposition du Ministre des affaires intérieures.
Telle est l’actuelle situation juridique des autorités chargées de diriger les entités territoriales décentralisées.
Monsieur le Gouverneur, compte tenu de ces éléments, sur quel fondement juridique avez-vous pris cet arrêté ?
Les développements supra me permettent d’affirmer que vous avez, in contextus, usurpé les compétences du Président de la République.
Si la famille politique du Président de la République est obnubilée par quelques postes que vous leur avez accordés à la tête de certaines communes, en ma qualité de citoyen, je me fais le devoir de dénoncer la désubstantialisation des compétences de l’Institution Président de la République au profit d’un Gouverneur. Les édifices républicains ne sauraient s’ébranler au nom d’un quelconque “arrangisme” politique.
Tout en rappelant qu’en 2008 l’ex Président de la République, votre “autorité morale”, avait nommé par voie d’ordonnance les Bourgmestres, je me demande si vous auriez pris un tel acte sous sa présidence. Si non, qu’est-ce qui a donc changé à ce jour ?
Par-delà ce qui précède, vous venez de créer un fâcheux précédent car vos collègues Gouverneurs peuvent emboîter votre pas antirépublicain.
Au demeurant, vu le caractère contra legem évident de votre arrêté, il serait responsable de le rapporter afin de préserver certains acquis de la République.
Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le Gouverneur, en l’expression de ma parfaite considération.
Chris SHEMATSI
Citoyen congolais habitant à Kinshasa.
Source Actualte.cd