RDC-Ebola : “On peut dire avec fierté que la lutte a sérieusement porté ses fruits ” Georgette Biebie Songo
Le cap de 800 cas guéris d’ebola a été atteint la semaine dernière. A travers la découverte de deux molécules, la nouvelle équipe de la riposte pilotée par le docteur Muyembe rassure qu’Ebola n’est plus incurable. Dans l’ombre des chercheurs, Georgette Biebie, docteur en Pharmacie.
Madame Georgette Biebie merci de répondre à nos questions. Qu’est-ce qui a motivé votre engagement dans cette lutte ?
Georgette Biebie : je suis pharmacienne à l’Université de Kinshasa(UNIKIN). Le département de pharmacologie pour lequel je travaille a été associé à l’étude clinique des 4 molécules médicamenteuses à savoir : le Mab 114 ; Regeneron ; ZMAPP et REMÈDES IVR contre la fièvre hémorragique à virus Ebola . J’ai aussi participé à une formation sur la gestion de la chaîne du froid qui consiste au transport et conservation des médicaments dans des conditions spéciales(c’est-à-dire dans le froid) depuis les Etats-Unis jusqu’au site d’utilisation pour ne pas dénaturer leur composition chimique et réduire leur efficacité. Je suis également éprise de compassion pour nos frères et soeurs de l’Est, exposés à cette terrible épidémie qui a déjà fait plus de 1800 morts . Je n’ai pas hésité un seul instant à accepter de faire partie de l’équipe de la riposte contre Ebola malgré les dangers qu’il présente.
A l’heure actuelle, quel bilan dressez-vous de la riposte?
Georgette Biebie : la semaine dernière, l’équipe du professeur Jean-Jacques Muyembe, l’un des inventeurs de MAB 114 a tenu une conférence de presse à Gombe pour annoncer au monde que les études menées depuis le mois de novembre 2018 dans la province du Nord-Kivu ont prouvé l’efficacité de MAB 114 et du REGENERON dans le traitement des malades à virus Ebola. Grâce à ces 2 molécules, le taux de mortalité est réduit à 30% au lieu de 65 ou 70 % avant le traitement. Ceci est une découverte et une innovation mondiale dans le traitement de la maladie à virus Ebola. C’est un grand soulagement pour la population congolaise car EBOLA n’est plus à considérer comme incurable. Bravo à toute l’équipe du Professeur Muyembe de l’Institut National de Recherche Bio-médicale(INRB).
Maintenant que l’on parle des patients guéris d’Ebola, pensez-vous que votre lutte a porté ses fruits ?
Georgette Biebie: parce que le taux de mortalité est passé de 70 à 30%, on peut dire avec fierté que la lutte a sérieusement porté ses fruits. Je voudrais insister sur le fait que cette victoire est une victoire de toute une équipe Américano-Congolaise composée des médecins, des pharmaciens, des cliniciens, des psychologues, des Infirmiers, des logisticiens et statisticiens et tt le personnel d’appoint. Je rends un vibrant hommage à toute l’équipe des scientifiques exposés au virus à Ebola avec un seul slogan : “Ensemble sauvons des vies” Encore une fois, Bravo!.
En tant que chercheur, quelles ont été selon vous les étapes les plus difficiles dans le cheminement vers la découverte de ces molécules censées guérir Ebola ?
Georgette Biebie: comme dans toutes les études, il faut d’abord un protocole qui tient compte des bénéfices et des risques auxquels sont exposés les malades de l’étude. Ce sont ces critères qui déterminent entre autre l’efficacité du médicament. Respecter la chaîne du froid, la réaction du malade vis à vis de la nouvelle molécule, obtenir le consentement volontaire des malades à accepter de faire partie de l’étude constituent des étapes difficiles à l’étude.
Pensez-vous que les efforts des équipes de la riposte associés à ceux du docteur Muyembe peuvent amener à l’éradication complète de ce virus ? Peut-on dire que l’on est définitivement débarrassé d’Ebola ?
Georgette Biebie: on n’est pas encore totalement débarrassé du virus car il y a deux jours, un nouveau cas a été signalé à Mwenga dans le Sud Kivu. Cela veut donc dire que malgré la découverte de ces 2 molécules, le respect strict des règles d’hygiène, à savoir : le lavage régulier des mains et des pieds à l’eau chlorée, ne pas saluer par la main ou toucher les fluides des malades reste obligatoire.
En dehors de vos œuvres dans le secteur du virus Ebola, vous êtes également femme leader au sein de la Coalition Lamuka. Comment jonglez-vous entre les deux ?
Georgette Biebie: il est vrai que je suis une femme leader de la plateforme Lamuka, mais je n’ai pas de difficultés car je suis toujours au front soit contre les antivaleurs qui minent la société congolaise, soit contre le virus Ebola qui ronge de nombreuses vies des paisibles citoyens. Je considère que c’est le même combat. Je suis également une militante pour la protection et la promotion des droits humains, en général et des Droits des Femmes en particulier depuis plus de 20 ans.
Vous avez parlé d’un lot des médicaments que vous devez amener à Goma ce 20 août. Pouvez-vous nous en dire plus ?dòu proviennent-ils ? La quantité ? A qui sont-ils destinés ?
Georgette Biebie: les médicaments proviennent des Etats-Unis d’Amérique. Je vais amener une bonne quantité de MAB 114 et de REGENERON qui seront répartis sur différents sites de traitement à Goma dont ; Beni, Mangina, Katwa, Komanda etc. Ils sont évidemment destinés aux malades à Virus Ebola (MVE).
Quel est votre message pour la population congolaise à ce stade ci de la riposte?
Georgette Biebie: : à ce stade de la riposte, mon message est de développer une solidarité agissante envers les (Malades à virus Ebola) MVE. Ne pas les stigmatiser et surtout observer toutes les mesures strictes d’hygiène. Informer nos communautés sur le fait qu’Ebola n’est plus considérée comme une maladie incurable. C’est une grande innovation pour notre pays et le monde. Encore bravo a toute du Prof JJ Muyembe de l’INRB sans oublier le personnel de terrain totalement dévoué au service des MVE . Que notre Dieu nous protège dans l’exercice de notre travail au service des autres.
Georgette Biebie Songo porte également une fondation, connue pour l’autonomisation des femmes dans l’entrepreneuriat, l’éducation, la microfinance et les dons en RDC. “Chaque femme est un diamant” est le slogan de GBS Foundation. En 2016, Elle a reçu un prix honorifique d’ONU Femmes pour son engagement dans cette lutte.
Propos recueillis par Prisca Lokale