vendredi, novembre 22, 2024
Poltique

Ne le dites pas à nos enfants, chronique d’un combattant pour la liberté






Dans sa rubrique Citoyen, POLITICO.CD, le media
politique de la République Démocratique du Congo ouvre ses colonnes aux récits
de citoyens ayant consacré un instant de leur vie au redressement de l’un de
secteurs de la vie nationale. Dans cette chronique, les lignes sont ouvertes à Godefroy
Kahambo Mwanabewato, ancien militant du mouvement citoyen Lutte pour le
Changement (LUCHA), détenu à la prison de Makala entre juillet 2015 et
septembre 2016. Candidat malheureux aux dernières élections au gouvernorat du
Maniema, il est actuellement président d’un parti politique. Il retrace à
travers cette chronique son parcours militant entre 2015 et 2017.Episode 1: Kisangani, par un samedi ensoleillé Un samedi est toujours beau. Je ne le dis pas
puisque je suis né un samedi mais puisqu’effectivement, le samedi 20 juin 2015
n’avait pas dérogé à cette règle. Il était beau non seulement par la
perspective du repos qu’il m’offrait après une longue semaine de travail au cabinet
de Jean Bamanisa (ancien gouverneur de l’ex province Orientale), mais aussi
puisque le soleil était au rendez-vous et faisait pleuvoir ses rayons sur le
vieux monument de la Place des Martyrs de Kisangani en face duquel se trouvait
le cabinet du gouverneur. Assis dans mon bureau, je m’apprêtai à finaliser un
rapport de mission quand un collègue, Mugisa, vint me signifier que le
Directeur Provincial adjoint de l’Agence Nationale des Renseignements, un certain
Dédé, tenait à me rencontrer pour un échange. Quoi de plus normal ? Nous
revenions d’une mission à Isangi en marge des concertations nationales qui se
préparaient à Kinshasa et des agents de l’ANR en faisaient partie. Sûrement,
les échanges allaient cadrer avec cette mission. A l’époque je rédigeais les
discours officiels pour Jean Bamanisa, alors gouverneur de la province
Orientale et assurais la modération de ses cérémonies officielles.Je m’y rendis donc volontiers. A quelques pâtés des maisons du terrain Makiso se dressait un bâtiment peint en rouge (je ne sais pas d’où vient cette obsession bizarre de Kalev Mutond de toujours peindre ses bureaux en rouge).Un
instructeur de service de renseignement moins renseigné sur les nouvelles
technologies J’y entrais et me fit prier de patienter dans une
espèce d’antichambre. L’attente fut très longue et je commençais à m’inquiéter.
Pourquoi n’étais-je toujours pas reçu ? Y avait-il quelque chose qui se
concoctait à l’intérieur? Avais-je quelque chose de compromettant dans mes
fréquentations au point d’intéresser la redoutable ANR ? Nous étions à un
moment où le régime de Joseph Kabila restreignait très drastiquement l’espace
public et suivait à la loupe les activités des jeunes. C’est en pensant à ce
contexte que vint le déclic : Je me rappelais alors que j’étais en contact
avec certains militants du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA)
section de Goma dont Kombi Juvin à qui je venais de solliciter  l’adhésion au mouvement sans que ma requête
n’eut reçu un avis favorable… L’ANR m’avait-elle mis sur écoute ? J’en
doutais.  J’avais certes posté des écrits
en faveur de la libération de Fred Bauma mais quoi de plus normal que de
demander la libération des jeunes injustement arrêtés ? Avaient-ils
parcouru ma page Facebook ? En passant, j’étais hostile à Joseph Kabila et
à ses tentatives maladroites de vouloir modifier notre constitution.Je ne m’étais pas trompé. C’est ce que j’ai
compris lorsqu’un Inspecteur très poli m’invita dans son bureau et se mit à me
verbaliser sur procès-verbal en faisant preuve d’une horrible ignorance du
fonctionnement des réseaux sociaux.– As-tu envoyé des textos, SMS à tes amis sur ton
compte  Facebook ?– Sur Facebook ou Messenger, demandais-je surpris…– Sur Facebook, dit-il.– On n’envoie pas des textos sur Facebook. On
poste des messages et des images sur son mur.– Sur quoi ?Et il tourna face à moi son PC ouvert effectivement
sur mon mur Facebook.Je voyais le post suivant qui partageait la
photo de Fred Bauma et Yves Makwambala, alors détenus à la prison de Makala
(centre pénitencier et de rééducation de Kinshasa) en marge de leur meeting du
15 mars 2015 :«Mais bon sang, qu’avons-nous fait pour mériter
ceci ? Comment un Chef de l’Etat peut-il trouver le sommeil la nuit
en sachant que nos deux amis (Fred et Yves) sont en détention pour n’avoir rien
fait ? »Fred et Yves faisaient alors partie de mouvements
pro-démocratie LUCHA et Filimbi, deux pionniers des mouvements citoyens
Congolais qui avaient entamé une campagne pour le respect de la constitution et
des élections libres transparentes et démocratiques.Je dis à l’Inspecteur qu’il ne s’agissait pas d’un
texto mais d’un post public.– Appelles cela comme tu veux… Tu confirmes avoir
fait ceci ?– Oui, je confirme.– Pour quel intérêt te permets-tu de soutenir ces
mouvements subversifs et terroristes ?C’est
cela votre patriotisme ?Subversifs et terroriste, les gros qualificatifs
étaient lâchés. J’avais l’impression d’entendre Lambert Mende (indéboulonnable
ministre des medias et communication, également porte-parole du gouvernement
sous le régime de Joseph Kabila) parler via la bouche de l’Inspecteur. C’était
exactement le qualificatif tout droit sorti de la créativité de ce tristement
célèbre porte-parole du gouvernement pour qualifier les militants de LUCHA et
Filimbi. Je répondis simplement :– Ils sont innocents. Vous les détenez puisqu’ils
s’opposent à la tentative de Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà
de son  dernier mandat constitutionnel.
J’ai partagé le post d’Amnesty International afin d’exiger leur
libération. – Tu as donc des liens avec Amnesty International et les ONGs financées par les impérialistes blancs ? Combien t’ont-ils proposé?Je compris que je venais de m’enfoncer davantage
et que la situation s’enlisait. Il ne fallait pas évoquer Human Right Watch,
Amnesty International. C’était comme invoquer des liens avec l’Etat Islamique
devant un agent du FBI… Je me rebiffais.– De quoi vous parlez ?– De votre réseau. Nous savons qui est derrière
vous. Ils vous ont chargé de monter une antenne du mouvement subversif Filimbi
à Kisangani.– Non. Je ne suis pas militant de la LUCHA encore
moins de Filimbi ( ce qui était vrai et sincère). Je ne fais que partager les
posts de la campagne initiée par certaines ONGs en faveur de la libération des
militants de la LUCHA et FILIMBI et je trouve cela normal.– Au lieu de relayer les messages de paix du Chef
de l’Etat sur la cohésion nationale, vous partagez des messages des
impérialistes. Vous travaillez au cabinet du gouverneur Bamanisa, la province
et l’Etat congolais vous paient et c’est comme ceci que vous les remerciez en
offensant le Chef de l’Etat à travers votre texto (il n’avait toujours pas
compris qu’il s’agissait d’un post) qui insinue que le Président Kabila dort et
ne fait rien en faveur de vos amis et complices ? C’est cela votre
patriotisme ?Un
carton rouge contre Joseph Kabila ?Je n’en revenais pas. Je vous souhaite de ne
jamais vous trouver face à ces genres d’instructeurs. Vous maudirez le Service
de Renseignement de votre propre pays. C’est à penser qu’ils sont formés pour
ne jamais entendre raison. J’étais face à une personne qui non seulement
n’établissait aucune différence entre la personne de Joseph Kabila et l’Etat
mais aussi qui avait déjà une opinion toute tracée.  Pour lui, j’appartenais à un réseau qui
travaillait contre le Congo et il fallait me museler. Il était naïf de penser
un seul instant qu’il allait instruire mon dossier à charge et à décharge.
C’était peine perdue d’essayer de lui faire entendre raison.Il me sortit des messages dans lesquels je
m’attaquais au Président Burundais Pierre Nkurunziza et tous ces posts normaux
qu’on échange sur les réseaux sociaux en exprimant nos points de vue sur la
marche du pays et du continent. Il me sortit une image que j’avais postée et
qui contenait une main brandissant un carton rouge en voulant savoir si c’est
contre Joseph Kabila que je brandissais ce carton. Visiblement, il tentait le
tout pour le tout afin de réussir à monter un dossier plus ou moins solide et
ainsi me coffrer.Au final, je finis par signer le PV qu’il me
présenta. Non seulement, je ne le relus pas mais aussi, de toutes les façons,
même non-singés, les PV de l’ANR valaient et n’étaient contestables devant
aucun magistrat. A quoi bon les lire ?Il était 17 : 00 et je n’allais pas rentrer
chez-moi ce jour-là ni les 434 autres jours suivants. Ma descente en enfer
venait de commencer ce beau samedi ensoleillé…Godefroy K.
MWANABWATO

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Source Politico.cd

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