Alain Lubamba : « la RDC a besoin d’une diplomatie économique pour faire face à ses exigences économiques » – Zoom Eco
[TRIBUNE] – La diplomatie économique concerne tout le monde de manière particulière. Elle structure le désir et la liberté d’importer, d’exporter et d’investir au-delà des frontières. C’est elle qui les négocie. C’est elle qui s’active aux côtés des entreprises qui travaillent à l’étranger ou des industries nationales dont le marché de leurs produits est en dehors des frontières nationales. Il importe de signaler que c’est également elle qui est à l’origine du G7 et de la construction de l’Union Européenne. Elle est devenue le complément inséparable de la diplomatie politique. Elle est même au cœur de la politique la plus brillante puisque c’est à elle qu’il revient d’ordonner et de gérer la globalisation de l’économie mondiale. Enfin, et surtout, cette diplomatie n’est plus seulement l’expression d’une politique étrangère puisqu’elle descend au plus profond des économies nationales.En cinquante ans tout a changé. En prendre conscience est essentiel pour tous ceux qui veulent que leur pays ne soit pas victime des velléités hégémonistes des grandes puissances ou ne rate pas les innombrables possibilités de choix et d’action que le monde extérieur met à la disposition de ceux qui veulent s’en servir.A l’ère de la géo économie, toute initiative de (re-) construction de l’économie nationale répond aux exigences de la mondialisation-globalisation. En République démocratique du Congo, la problématique de la réalisation de la construction de son économie souffre du défaut d’adéquation et de pertinence par rapport aux standards internationaux.Pourtant, le savons-nous tous que pour qu’un Etat triomphe dans la mondialisation, il faut qu’il soit un Etat fort, doté d’une société dynamique et compétitive. Celui qui doit savoir s’ouvrir en se protégeant et lorsqu’il engage son économie dans le processus de construction, il se met au service d’un objectif stratégique de politique mondiale dont les dividendes se conçoivent, notamment, en termes de maîtrise des autoroutes de l’information et de construction des infrastructures routières et ferroviaires ainsi que du marché régional et international.Dans cette perspective, il est clair que la compétence de la construction de l’économie revient à l’Etat. C’est lui qui décide à travers ses politiques économiques de se donner une identité économique réelle et visible dans le système économique mondial. Ce choix est avant tout celui du libéralisme économique moderne. Comme, dans les gestes et dans les faits des dirigeants congolais, rien ne le suggère à ce jour, la Rd Congo doit prendre appui sur un Etat fort, entreprenant et agissant si elle veut reconstruire son économie.La Rd Congo a l’obligation de s’inventer un Etat et réapprendre à se gouverner, elle, qui a déjà expérimenté toutes les recettes préliminaires; celle de l’effondrement de l’Etat et celle de différentes tentatives de sa reconstruction qui auront, d’ailleurs, été sensiblement affectées par les guerres d’agression, les rebellions armées successives, les pillages des ressources naturelles. Pour tous ces phénomènes, elle serait admise au régime des Etats fragiles ou des Etats en collapsus et aux autres concepts méprisants inventés par les grandes puissances.En effet, la Rd Congo participerait à la mondialisation comme nation cible plutôt que comme une unité significative et dans les jeux de l’interdépendance économique des nations, elle est tout simplement un espace des convoitises étrangères et d’expérimentation des schémas économiques.La RDC, pays minier à l’instar de la République sud-africaine manque cruellement des principales entreprises porteuses de son identité minière ou de sa vocation financière. Sur le cuivre, le cobalt, l’or, le diamant voire le coltan, la quasi-totalité des entreprises multinationales d’extraction sinon toutes sont étrangères et font de la RDC un espace minier contrôlé totalement par les capitaux étrangers.C’est pareil dans les secteurs du bois, des banques commerciales et dans bien d’autres secteurs de la vie nationale. Il y a là un défi que la politique économique congolaise doit relever devant ce dilemme qui structure aujourd’hui les voies d’un avenir inquiétant.Dans sa situation du pays victime des effets et des méfaits de guerres économiques, de pillage des ressources naturelles et tous les autres crimes économiques, la RDC passe pour une nation pourvoyeuse des ressources aux pays du monde ainsi qu’à ceux de la région des Grands Lacs sans que l’économie régionale n’ait pris corps, pendant que l’exploitation du charbon et de l’acier par la France et par l’Allemagne est à la base de la communautarisation européenne d’aujourd’hui.Cette gestion commune avait bénéficié de l’intégration des économies nationales de l’Europe à l’opposé du pillage des ressources naturelles congolaises par des pays voisins dont les dividendes profitent essentiellement à des individus ressortissants des pays de la région entretenant cette économie grise.En plus, les entreprises publiques congolaises qualifiées, jadis, de canards boiteux ou d’éléphants blancs, qui sont transformées simplement en entreprises commerciales sans ambition ni projet de leur expansion et de leur performance ne sont ni efficaces ni compétitives.Par ailleurs, l’attractivité et la compétitivité (climat des affaires) du pays tant vanté se trouve entravée par le fait de l’incorporation de la Rd Congo ou de tout le continent africain dans le projet européen de construction et de planification de l’avenir économique de l’Europe de 1957 (Traité de Rome), principal obstacle à la compétitivité des économies africaines en recyclage « du Pacte colonial ».Face à un contexte où l’instabilité est chronique et où les désordres politiques, la corruption, la mauvaise gouvernance et les difficultés sociales marginalisent les efforts de progrès, comment opérer la mutation et convertir l’économie de résistance aux convoitises étrangères en économie d’action, de conquête des libertés et de positionnement sur l’échiquier de politiques nationale, régionale et mondiale ?La diplomatie économique qui se veut la recherche des objectifs économiques par des moyens diplomatiques se disponibilise comme l’un des créneaux par lequel peut se produire cette mutation tant recherchée dans l’économie congolaise. En effet, la construction de l’économie est, outre la qualité de la gouvernance interne, un projet politique qu’un pays développe dans sa relation avec les autres nations du monde. Elle est, dans ce cas, envisagée pour lui permettre d’occuper dans le concert des nations une position avantageuse qui sera le résultat d’une ambition nationale sur base des efforts et des stratégies qu’il aurait déployé.Une telle démarche est tout sauf l’autosatisfaction qu’un gouvernement peut tenter de développer, à l’instar de celui de la Rd Congo qui s’est mis à rêver à l’émergence de son économie nationale sur base uniquement de la maîtrise cosmétique de son cadre macro-économique alors qu’il se montre jusque-là incapable de présenter un bilan stratégique et social. Comme on peut s’en douter, une économie volontariste, ambitieuse et constructrice de l’identité économique nationale ne peut jamais se construire à coup des propagandes.Certes, la re-construction de l’économie passe par un cadre macro-économique, mais celui-ci doit se vouloir à couverture nationale et s’inscrivant dans une logique de croissance intensive et ininterrompue avec un indicateur de position extérieure confortable.A cet égard, comme la Rd Congo inscrit sa politique étrangère dans le développement de sa dimension économique, elle doit, pour se doter d’une économie compétitive et ouverte sur le monde, facteur de son insertion dans la mondialisation, d’abord, du fait de sa position géographique avec neufs frontières, devenir une plaque tournante régionale.Cette position exigerait, de sa part, une gestion stratégique intelligente de sa pluri-appartenance régionale ; Afrique centrale (CEEAC), Afrique de l’Est (COMESA), Afrique australe (SADC), Afrique des Grands Lacs (CIRGL). Mais aussi, la consolidation de l’interdépendance de ses provinces afin de convertir la force centripède en force centrifuge. Une Nation solide et soudée à la conquête du monde.Ensuite, elle est appelée à diversifier son économie par l’industrie, les services et la baser sur l’exportation des produits manufacturés. La structure des exportations, dans ce cas, serait essentiellement constituée des produits manufacturés des industries locales. Ses avantages comparatifs sont :– son potentiel hydroélectrique ;– sa position au cœur du continent ;– ses ressources naturelles. Ce processus de reconstruction du secteur économique appelle celui de la reconstruction des infrastructures de qualité en concurrence avec celles de la région des Grands Lacs et répondant aux exigences d’une économie moderne. C’est le cas des aéroports et ports internationaux, des universités, des centres de recherche, des écoles techniques, des parcs nationaux.La RDC doit également développer sa dimension de plateforme de coopération régionale pour se rassurer qu’elle a réussi son processus de son désenclavement géopolitique, facteur d’intégration régionale et internationale. La reconstruction de son économie exige encore de ce pays aux immenses potentialités naturelles, un système politique moderne qui favorise la bonne gouvernance, celui qui est caractérisé par un Etat bien organisé avec des services publics efficaces et des institutions politiques garantissant la stabilité du pays. Son personnel doit être payé et motivé au plus haut niveau. Cela requiert des moyens financiers importants.Ce choix de sa propre voie de développement par le biais de la diplomatie doit être une mise en œuvre de son propre agenda politique et doit avoir comme conséquence des avancées sociales fulgurantes. Le niveau de vie de la population doit avoisiner celui des standards dignes et humains bénéficiant d’une couverture sociale généralisée visant une augmentation du niveau de vie par habitant, l’élargissement de la classe moyenne et la création des richesses. L’Etat employeur devra donner le ton avec des rémunérations attractives.L’opérationnalisation d’un tel schéma requiert de la Rd Congo l’organisation d’un régime de concurrence au profit de la compétitivité de ses entreprises locales. C’est le prix à payer dans cette dynamique de la mondialisation pour la construction de l’économie nationale congolaise. C’est dans cette perspective que le Président de la République, Son Excellence Monsieur Joseph Kabila avait prôné dans son discours lors de son investiture à la magistrature suprême en 2006, une diplomatie de développement.Ainsi, le Gouvernement doit accompagner les entreprises dans leurs activités en demandant aux ambassades réduites jusque-là aux simples agences de voyage par la vente des visas et des passeports, à chercher, à stimuler et à encourager les entrepreneurs et investisseurs étrangers utilisateurs de nos différentes ressources à venir en Rd Congo pour le besoin de la diversification du secteur de l’économie.Cet appel à l’implication des ambassades congolaises dans la construction de l’économie nationale nous ouvre sur notre troisième Forum qui aura pour titre : « les ambassades congolaises et la reconstruction de l’économie Nationale ».Alain LUBAMBA WA LUBAMBADéputé national honoraire